Actes des rencontres de la marche en ville 2023
1/ LE RENOUVEAU DE LA MARCHE EN MILIEU URBAIN Frédéric Héran, maitre de conférence à l’Université de Lille
La marche est de retour. D’après les enquêtes nationales transport, après une forte baisse dans les années 1970-1990, la part modale de la marche a augmenté de 6,3 % entre 2008 et 2019. Mais la hausse concerne encore et surtout les grandes villes, comme on peut l’observer pour toutes celles qui possèdent plus d’une enquête ménages déplacements. Pour les villes moyennes, il est plus difficile de le démontrer, car aucune n’a réalisé plus d’une enquête ménages, mais dans les enquêtes les plus récentes, la marche est à un niveau plus élevé que dans les enquêtes précédentes. Pourtant, la marche reste mal considérée. En termes de déplacements, ce n’est que le deuxième mode, loin derrière la voiture (23,7 % versus 62,8 % selon l’EMP 2019). Cette affirmation est en fait contestable, car elle ne retient que les déplacements des résidents exclusivement faits à pied et uniquement dans l’espace public. Si l’on comptait toutes les séquences piétonnières dans un déplacement – les trajets – comme le font les Suisses depuis 1994, la marche deviendrait le premier mode de déplacement devant la voiture et les temps passés à pied et en voiture seraient équivalents. En fait, la marche est présente dans tous nos déplacements, les autres modes n’étant que des relais. Nous sommes des bipèdes utilisant parfois des véhicules pour nous déplacer. Il existe plusieurs formes de mobilité à pied négligées par les enquêtes nationales transport comme par les enquêtes mobilité certifiées Cerema, notamment la marche intermodale (les trajets à pied en complément des trajets mécanisés au sein d’un déplacement), les déplacements à pied dans les lieux privés ouverts au public comme les centres commerciaux ou les grands centres de loisir, les déplacements à pied pendant le travail dans certaines professions ou encore les déplacements à pied des non-résidents (visiteurs et touristes). Des travaux statistiques seraient nécessaires pour mieux cerner ces mobilités. Quelques résultats existent concernant la marche intermodale. En exploitant les enquêtes ménages, on constate que les 3/5 des déplacements comprennent un trajet à pied ou sont faits entièrement à pied. Dans les déplacements en transport public, les temps de marche + de correspondance + d’attente représentent la moitié du temps total de déplacement. Plus les déplacements en transports publics sont longs, plus le voyageur accepte de longs trajets d’extrémité à pied. De même pour les automobilistes quand il est difficile et coûteux de stationner la voiture. Selon l’EMP 2019, les distances parcourues à pied seraient de l’ordre de 800 m pour les usagers des transports publics et de 300 m pour les automobilistes qui doivent rejoindre ou quitter leur véhicule stationné sur l’espace public. Le renouveau de la marche a des causes assez bien connues. La nécessité de se bouger pour rester en bonne santé est sans doute la première cause. Mais elle est surtout reconnue dans les milieux éduqués. Les politiques de modération de la circulation automobile et d’amélioration des espaces publics jouent aussi un rôle important. Elles sont cependant d’abord observables dans la partie dense des grandes villes où il est devenu indispensable de lutter contre l’envahissement automobile et ses nuisances. Il semble enfin que le désir des populations de ralentir, révélé par certaines enquêtes d’opinion, semble grandir. Mais il est difficile de concrétiser cette aspiration dans un monde où tout s’accélère pour « gagner du temps ».
58 Rencontres nationales de la marche en ville - Reims, 9 et 10 novembre 2023 - Actes des journées
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