Passion Rando 54 - La Loire Atlantique

LAVAU-SUR-LOIRE RANDO 1

L’estuaire de la Loire, vaste delta naturel, s’est assagi sous l’influence de l’homme. Le nouveau chenal de navigation a laissé le champ libre à d’immenses prairies naturelles émaillées de marais qui ne se laissent apprivoiser qu’à pied. Étiers et ragondins

L avau pleure sa Loire qui l’a quitté pour aller faire son lit deux kilomètres plus loin. Pourtant, jusqu’au début du XX e siècle, tout se passait bien entre eux: le petit port d’échouage exportait le bétail, les céréales ou le vin des campagnes alentour, ainsi que le granit de la carrière de la Garenne. Tous les jours, des passagers débarquaient d’un bac, des douaniers patrouillaient et des pê- cheurs y ravaudaient leurs filets. En 1820, le village de Lavau s’était même rebaptisé Lavau-sur-Loire pour célébrer ses noces avec le fleuve. Et puis on a commencé à draguer l’estuaire et, petit à petit, la Loire s’en est allée. La belle activité de jadis s’est envasée et Lavau est devenu un « port- relique ». Ce matin, le trou bleu tire sur le vert et n’incite guère à la baignade. Après avoir fourni le granit bleu des pavés de Nantes ou des bassins de Saint-Nazaire, la carrière a fermé dans les années 1970 et s’est remplie d’une eau dont l’humeur suit celle du ciel. Le circuit file droit à travers les prairies humides dont le foin fait les beaux hivers des bestiaux. En attendant, les limousines allongées dans l’herbe se font bichonner par des aigrettes empressées de leur prodiguer les meilleurs soins. Passé le village de La Bergerie, des sillons d’eau trouble couverts de lentilles appa- raissent de chaque côté du chemin. Che- min qu’il est préférable de ne pas quitter

si on ne veut pas y laisser ses bottes. « Les étiers sont des chenaux destinés au départ à assécher les marais, précise Pierrick Bonnet du Syndicat de marais des prés du Syl. Mais, dans certains cas, on peut aussi y faire rentrer de l’eau pour les irriguer. » En tant que président, il est chargé de contrô- ler les échelles de niveau et de gérer les vannes de chaque parcelle en fonction des marées, afin de maintenir une hau- teur optimale de 1,60 mètre. Ces marais mis en valeur dès le Moyen Âge par les bénédictins de l’abbaye de Notre-Dame de Blanche-Couronne sont désormais le ter- rain de jeu des ragondins. Le vol lourd des hérons conduit tout droit aux roselières qui frangent l’estuaire. Une passerelle en bois survole la terre imbibée jusqu’au pied de L’Observatoire, érigé en 2007 par le plasticien Tadashi Kawamata. Du haut de ce belvédère propice à tous les songes, on observe la Loire rouler ses flots vers un destin océanique, tandis que le soleil prend des teintes d’abricot.

LOIRE-ATLANTIQUE

Vue depuis L’Observatoire – une œuvre de Tadashi Kawamata –  sur l’estuaire de la Loire.  En bas à gauche, des ragondins.  En creusant leurs terriers,  ces rongeurs habiles sont  les rois du terrassement.

44 PASSION RANDO HIVER 2020

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