Actes des rencontres de la marche en ville 2023
Le chemin vers la ville apaisée n’est pas un long fleuve tranquille Abel Guggenheim, auteur et spécialiste des transports Pendant longtemps, la configuration des rues et leur occupation ont été stables, formant des villes faciles à lire : la chaussée, domaine des véhicules motorisés et le trottoir, domaine des piétons. La société était organisée autour des voitures à qui l’essentiel de la surface était réservée, tant en circulation qu’en stationnement, mais ce déséquilibre était socialement accepté. Le vélo, dont l’utilisation était devenue marginale, est admis à la fin du 20 ème siècle à circuler dans les zones piétonnes et les couloirs de bus. On commence à mettre en place des aménagements cyclables, donc à créer un nouveau domaine de voirie, retiré soit aux véhicules motorisés, soit aux piétons, parfois plus ou moins partagé avec les usagers habituels de ces espaces, créant des zones de rivalité entre modes (bandes cyclables utilisées comme stationnement, pistes sur trottoirs, ...). Les confinements et déconfinements de 2020 ont accéléré cette évolution en faveur du vélo avec les coronapistes rapidement tracées. L’intégration de ces nouvelles infrastructures, qui a duré plusieurs décennies dans certains pays, se fait chez nous en peu d’années, avec difficulté et incompréhension. Alors que les relations entre vélos et véhicules motorisés se sont relativement apaisées, une certaine agressivité se développe entre cyclistes et piétons. Les piétons, à qui on affirme que leur place est au sommet de la chaîne des priorités, ne voient aucune mesure concrète prise en leur faveur. Ils découvrent incidemment des modifications réglementaires favorables aux cyclistes, comme l’autorisation de rouler à contresens de la circulation générale ou de franchir certains feux au rouge sans en comprendre l’intérêt et en pensant qu’elles les pénalisent. On présente comme apaisées des voies que les piétons perçoivent comme complexifiées et dangereuses, comme par exemple lorsqu’on implante une piste bidirectionnelle en bordure d’une rue auparavant en sens unique. Beaucoup de piétons, en particulier les plus fragiles, ne se reconnaissent pas dans le terme mobilités actives, censé les regrouper avec les vélos, parmi lesquels se trouvent de plus en plus de véhicules qui ne sont que peu ou pas du tout actifs. On a assimilé au vélo des objets de plus en plus motorisés : les vélos à assistance électrique en 2009, les engins de déplacement personnel en 2019, les cyclomobiles légers en 2022.
La situation se tend dans les aires piétonnes : elles ont été autorisées aux cyclistes en 1998, alors que les vélos étaient peu nombreux et tous mus par l’énergie musculaire. Ils sont maintenant plus rapides, mais aussi plus volumineux, plus puissants et souvent utilisés dans un but professionnel, donc avec des contraintes de temps plus sévères que celles des cyclistes en simple déplacement : de nombreux professionnels se rendent compte qu’un vélocargo à assistance électrique est aussi commode et bien moins cher qu’une camionnette et surtout qu’il bénéficie d’avantages en termes de possibilité de circulation et de stationnement. Chacun doit prendre ses responsabilités : le pouvoir réglementaire doit envisager des modifications, éventuellement dans une direction un peu différente, les collectivités locales améliorer la concertation avec tous les usagers de la voirie, les associations de cyclistes accepter des arbitrages pas forcément favorables, les associations de piétons ne pas considérer les cyclistes comme des ennemis par nature.
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36 Rencontres nationales de la marche en ville - Reims, 9 et 10 novembre 2023 - Actes des journées
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